Le bois de la Houssière est, comme la forêt de Soignes, les bois de Halle et de Lembeek, une relique de l’ancienne forêt dite charbonnière en raison de l’intense activité de transformation du bois en charbon qui y régnait pendant l’occupation romaine. Il s’agissait d’une forêt mélangée de chênes, de hêtres, accompagnés d’autres essences suivant les conditions locales. Elle ressemblait en réalité à une mosaïque de bois épais, de landes à bruyères qui se développaient sur les parties défrichées délaissées par l’homme, de taillis, de bois clairs de bouleaux et de marais.
Le bois de la Houssière occupe quelque 662 hectares sur une butte de cinq kilomètres de long entre les villages de Henripont, Ronquières et Virginal. La ligne de crête, qui culmine à 163 mètres d’altitude, partage les bassins versants de la Senne et de son affluent, la Sennette. Les vallons et ravins qui l’entaillent, surtout sur les pentes raides situées en bordure du périmètre forestier, ont été formés soit par les sablières, soit par des ruisseaux nés de la percolation des eaux de pluie jusqu’aux argiles yprésiennes à travers l’épaisse couche de sable. A noter que la dernière sablière du bois de la Houssière a cessé d’être exploitée en 2002 seulement. De ses multiples cavités aux doux noms de Tête du bois (7,4 ha), du Planois (25 ha), du Marouset (44 ha), du Clos du Vert Bois (10 ha), de la crête du Haut Bois (3 ha), du Long Jour (26 ha), on exploitait du sable bruxellien jaune ocre pour la construction et du sable métallurgique gras rouge pour les moules de fonderie.
Principale forêt de moyenne Belgique, partagée aujourd’hui entre pouvoirs publics et propriétaires privés, le bois de la Houssière faisait autrefois partie du domaine des comtes de Hainaut. Les comtes y exploitaient le bois de chauffage et de construction et de petites sablières, s’y adonnaient à la chasse et rendaient la justice. Les droits d’usage concédés à la population sur la forêt dérogeaient au principe selon lequel l’exploitation forestière et la chasse appartiennent au seigneur. Pour indispensables qu’ils aient été à une époque où l’usage du bois restait vital, ils n’en sont pas moins en grande partie responsables de la dégradation et de l’aspect clairsemé de la forêt. Les droits d’usage prenaient diverses formes, des plus classiques comme l’affouage ou le pâturage aux plus anecdotiques comme l’usage aux balais.
Ce statut domanial, combiné à la présence de sable sous une couche fertile superficielle, explique que le bois ait survécu à toutes les vicissitudes. Personne n’a jamais été tenté de le défricher. Pourtant, le duc d’Arenberg, dont la famille était propriétaire des lieux depuis le 17ème siècle avait commencé à le vendre à des particuliers avant la mise sous séquestre de ses biens par l’Etat belge en 1921. Le litige qui en est résulté n’a été tranché qu’après la Seconde Guerre mondiale, en faisant un distinguo subtil entre la propriété du sol, reconnue aux acheteurs, et celle des arbres, réservée à l’Etat, du moins pour ceux qui avaient été vendus avant 1918, mais assortie d’une obligation de les abattre avant 1992. L’aspect actuel du site se ressent de cette histoire rocambolesque : de nombreuses parcelles boisées sont clôturées et inaccessibles au public, des trouées imputables aux coupes à blanc de l’Etat sont encore visibles. Protégé depuis 1940, le bois a échappé au lotissement et à la multiplication des décharges sauvages. Les pouvoirs publics régionaux et locaux se sont employés ensuite à racheter systématiquement des parcelles au point d’être aujourd’hui propriétaires du tiers de la superficie du bois.
Une houssière est une partie de forêt à forte intensité de houx. Avec le chêne, il dominait le bois jusqu’au 18ème siècle. Sous l’impulsion du gouverneur général Charles de Lorraine, assisté de ses forestiers, on a entrepris de les remplacer systématiquement par des hêtres, plantés en ligne ou en quinconce, dont le rendement était réputé meilleur. Par endroits, on trouve encore des peuplements de chênes et de châtaigniers, souvent accompagnés de houx dans les petites clairières. Aux abords des sablières, recolonisées par la végétation, des plantes peu exigeantes se sont acclimatées comme le bouleau, le sorbier, les bruyères et genêts, le saule et le jonc. C’est notamment le cas de la réserve naturelle de la sablière du Freyr. Au bas des pentes des vallons humides par contre, les aulnes, les frênes et les charmes dominent. A la pointe sud du bois, à une altitude de 142,62 mètres, trône le bonhomme de fer, surnom tout à fait officiel d’une borne géodésique installée là vers 1890. Elle a contribué à l’époque, avec 85 autres points culminants, à établir la carte de Belgique par la méthode de la triangulation. Le pays avait été divisé en triangles dont les angles avaient été mesurés par la trigonométrie sphérique. Cette borne a aussi été choisie comme un des sept points astronomiques pour le calcul exact de la longitude et de la latitude, comme point de référence pour le calcul de l’altitude et de la valeur exacte de la force de la pesanteur. Pour ceux qui sont avides de précisions, sachez encore que la tête de la borne est amovible. Une fois enlevée, elle peut servir de support aux appareils de mesure.