LES TERRASSIERS engagés à bon salaire pour la durée des travaux sont en grande partie flamands ou hollandais. Originaires de régions déshéritées et réputés durs à la besogne, ils comptent bien ramener chez eux un petit pécule à la fin de leur contrat. Ils sont hébergés dans des baraquements-dortoirs ou dans des cambuses, habitations provisoires en bois tenues par des ménages de cambusiers terrassiers qui sous-louent une pièce ou une soupente à leurs compagnons de travail. Ces constructions sont installées le long du canal, dans les méandres de la rivière, parfois reliées entre elles par une planche au-dessus de l’eau.
L’ensemble des cambuses fait penser à s’y méprendre à un camp de trappeurs ou de chercheurs d’or pour futurs westerns. Les cambusières lavent le linge, préparent les repas, remplissent les flacons de café chaud et les musettes de gros briquets pour la journée.
Les travaux terminés, les cambuses déménagent.
UNE AUTRE PARTIE DU PERSONNEL ITINERANT, plus exigeante ou mieux payée (hommes de métier, employés, cadres…) préfère loger dans les auberges locales ou chez l’habitant.
De petites équipes familiales engagées en bloc sous la direction du père louent la « place de devant » dans des maisons villageoises.
Des isolés de nature casanière cherchent un foyer de substitution et s’établissent chez des femmes seules. Certains ne quitteront jamais plus nos cieux hospitaliers !
D’autres encore prennent pension dans des ménages qui mettent une chambre à leur disposition. S’il faut en croire François LORIAUX, chansonnier carolorégien, ces lodgeus-là sont tellement bien choyés par leur hôtesse que les maris jaloux s’en plaignent amèrement :
« Toutes les bonnes carbonnades
Les p’tits plats, les douceurs
C’est pour I’lodgeu.
Les bonnes tartines au bûr’
A deux doigts d’espaisseu(r) C’est pour I’lodgeu.
Les restants… tout ersetchis (desséchés) Ça c’est pour mi ! »
(Extraits légèrement francisés pour en faciliter la compréhension).