La saison estivale ne dépasse guère les mois de vacances. Et encore faut-il qu’il fasse beau ! Trois jours consécutifs d’un soleil intense sont nécessaires pour que les frileux admettent que l’eau est bonne. Les frileux n’ont pas l’occasion de nager souvent !
Bien peu des nôtres passent des vacances à la mer même après l’instauration des congés payés (1936). Des promoteurs audacieux pensent alors qu’il serait intéressant d’offrir aux vacanciers de la région des établissements de plein air répondant à leurs souhaits et tranchant d’avec l’amateurisme qui règne sur les bords du Canal. Le 3 mars 1936 est inauguré en fanfare le complexe « ARQUENNES LES BAINS » (aussi appelé PETIT VENISE) à partir d’un ancien moulin sur la Samme, à hauteur de l’écluse 18 : café, piste de danse, tonnelles, étangs de pêche, canotage et… bassin de natation avec cabines individuelles. Cela a l’heur de plaire particulièrement aux étudiantes en vacances. Toujours ensemble – par deux ou par trois – à bicyclette le long du canal et traînant dans leur sillage quelques garçons discrètement prévenus de leur passage. Le short féminin vient de faire son apparition sur nos berges mais on n’ose pas encore le porter dans sa ville ou son village.
Après la baignade, tout ce petit monde d’insouciance – seul à bénéficier de si longs congés et d’une si grande liberté – repasse par une guinguette ou un café « in » avec piste de danse, pick-up et discothèque pour s’essayer aux rythmes nouveaux de la « Carioca » ou de la « Cucaracha ».
Le 7 août 1938, un second complexe de plein air semblable à celui du Petit Venise est inauguré à Wauthier-Braine sur le Hain. Il draine désormais une partie de la clientèle du Brabant wallon jusque-là attirée par les Etangs de Sept-Fontaines entourés d’épaisses frondaisons.
A longueur d’antenne, la T.S.F. (radio) ressasse des « Y a d’Ia Joie, partout y ‘a d’Ia Joie ! » de Charles Trenet. Mais pour combien de temps encore ? En 1940, la chanson prémonitoire d’un film d’Abel Gance sonne comme le glas de toutes les espérances :
« Rêve d’un jour
Bonheur trop court
Paradis perdu ! »
Beaucoup n’auront dansé qu’un seul été !