D’après « Vu du Pont » d’Arthur Miller
En temps de paix, habiter près d’un pont est une chance. Tous les chemins y convergent et pour peu qu’ils soient fréquentés, c’est un va-et-vient continuel de piétons et de véhicules. Loin du pont, le canal constitue une véritable frontière naturelle, un « channel » entre habitants des deux bords qui ne se croisent jamais. Heureusement, nos ponts sont nombreux et généralement très rapprochés ! Construits à une époque où la circulation automobile était encore embryonnaire, ils sont assez étroits (2,8 m de passage avec trottoirs latéraux de 0,75 m). Impossible donc à 2 véhicules de s’y croiser !
Types de ponts
- Les ponts sur écluses (± 7 m de portée) sur les no 26 et 27 (Ronquières) – 28 (Rabots) – 30 (Samme) et 32 (Clabecq, Hameau du 45).
- Les ponts métalliques au-dessus du Canal
- de courte portée (18 m) à Hasquempont et à Clabecq village. Sous ces ponts, le canal à berges verticales n’a plus que 12 m de largeur ; juste pour le croisement de 2 péniches (+ 6 m pour les 2 sentiers de halage). —
- A longue portée (± 30 m) enjambant un canal normal les digues et les versants (Pied’eau, Fauquez 1911, Oisquercq)
N.B. Il faut ajouter à cela le pont du chemin de fer vers Braine-le-Château, le pont Moellon (privé) au Nord de Oisquercq, et les passerelles sur les portes de toutes les écluses.
En temps de guerre, le pont est le passage obligé des troupes, amies ou ennemies. Il est donc susceptible d’être attaqué, défendu, sabordé. Les riverains vont l’apprendre à leurs dépens.
Le 16 mai 1940 l’imminence de la « Bataille du Canal » (les Allemands étant signalés dans les environs de Nivelles) déclenche l’Exode général et précipité, avec un minimum de bagages rassemblés à la hâte.
Le 17 mai 1940 les ponts sautent, la bataille fait rage. Mais nos riverains sont loin. Parfois très loin !
A leur retour, quelques jours après ou quelques semaines ils découvrent leur maison pillée, saccagée, endommagée ou détruite. Ils auront d’énormes difficultés pour réparer les dégâts, reconstruire, reconstituer leur garde-robe, leur mobilier, leurs provisions, leur stock de marchandises…, leur cave particulièrement visitée ! Ou alors pour racheter une bicyclette, un véhicule, un instrument de musique… ! Les bateliers sont dans la même situation avec leur bateau coulé ou donnant de la gîte. De-ci, de-là, des passerelles improvisées permettent de gagner l’autre rive.
En 1941, le canal est dégagé des épaves qui l’obstruent. Les ponts sont reconstruits, parfois élargis. Le tablier est en bois, provisoirement. Le grand pont métallique de Pied’eau disparaît à tout jamais, il avait à peine 30 ans d’existence.
Fin août et début septembre 1944, les troupes ennemies en retraite convergent vers nos ponts pour regagner l’Allemagne au plus vite. Belle cible pour l’aviation alliée ! A chacune de ses attaques, nos compatriotes – qui regardaient goguenards le défilé hétéroclite des fuyards en déroute – se réfugient dans leur cave solidement étançonnée. Des Résistants Armés sont chargés d’empêcher la destruction des ponts nécessaires au passage tant attendu des Armées Alliées. Des accrochages sanglants ont lieu. Le riverain prend peur et se demande s’il ne serait pas plus sage de quitter une fois encore son maudit pont ! Mais…
Le 5 septembre 1944… Américains et Anglais franchissent notre canal sur des ponts intacts. C’est le délire !