A peu près en même temps que le seigneur d’Enghien devenait maître local dans le domaine féodal et seigneurial, l’abbaye cistercienne de Cambron était, elle aussi, apparue à Ronquières et elle allait y occuper une place de première importance. Elle y avait repris, en 1182, la succession de l’abbaye de St Ghislain comprenant la court d’Haurut (alleu) et l’altare du village avec la dos ecclesiae (alleu) sur laquelle St Ghislain avait construit un moulin.

Avec la vitalité d’une institution jeune fondée en 1148 et favorisée par les circonstances, l’abbaye de Cambron va s’employer activement, non seulement à Ronquières, mais encore en divers lieux à agrandir son emprise.

Ici, elle réussira rapidement de façon remarquable.

1 BIENS ET REVENUS.

I. Voyons  d’abord ses propriétés foncières.

L’alleu primitif d’Haletrut qu’elle a obtenu de St Ghislain avait sans doute pour limite à l’ouest le chemin numéro  1 vers le Rœulx. C’était, sur Ronquières, à peu près 200 bonniers y compris quelques 33 bonniers du bois d’Haurut, dont le gros était sur Ecaussinnes Ste Aldegonde.

On peut noter certaines des étapes qu’elle a parcourues pour arrondir cet alleu :

Dès 1190, une convention libérant l’abbaye du paiement annuel à dame Donison de Runkiria de 800 sous nivellois et 6 chapons, semble bien indiquer que cette dame lui avait cédé précédemment certaines terres (Cambron page 564);

En 1218-1222, elle obtient d’Engelbert d’Enghien et de son fils Jacques 35 ou 36 bonniers de la terre et bois de Boutegnies (Cambron page573-575 et 582-583) ;

En 1246, on mentionne 69 autres bonniers de terres à cens, précédemment acquis (Cambron page 582-585), dans lesquels il faut sans doute comprendre le « Fief d’Havide » qui, dans la déclaration de 1787 semble  former, avec le franc alleu de Bernard, le fondement de la constitution du domaine d’Haurut.

Or, ce fief d’Havide, cédé en 1212,  (Cambron page 562) aurait été repris par Henri fils d’ Hawide (Cambron page 578 579).  Mais il est très plausible qu’à la suite des diverses tractations intervenues entre Henri et l’abbaye, ce fief ait de nouveau été cédé à Cambron et transformé en héritage.

Ce fief devrait être localisé entre le chemin d’Ecaussinnes et la Marche (aujourd’hui Sennette) c’est-à-dire  dans l’aire d’expansion du domaine primitif et d’autre part dans un endroit bien indiqué pour la localisation d’un fief. En effet, il se trouve sur la rive droite de la rivière  et relevait d’Henri de Braine Le Château, tandis que la rive gauche est réservée au fief de l’Escaille ronquiéroise qui relevait du seigneur d’Oisquercq.

En 1277, elle achète à Ywains de l’Escaille 16 hectares de fiefs situés à Froitmont, à raison de 15 livres louvignois le bonnier.

En 1286 ou 1287, elle achète à Gérard d’Enghien 3 journels de pré et vivier situés à Rambise.

D’autres propriétés sont encore constatées sans qu’on sache toujours ni quand ni comment elles ont été acquises et notamment :

Deux prés sur la rive droite de la Samme : l’un près du « grand mares » de Chenu de 5 journels, d’après un bail de 1458, acheté en 1398, l’autre sous Champs Maret de 1 journel acheté en 1494 :

Le « pré au moulin de Ronckiere » dans l’île, rive droite du bras occidental de la Samme, 3 journels dans le bail de 1458. Ce pré, non vendu avec le moulin en 1411, tenu à ferme par le censier d’Haurut en 1458, par le fermier du Quesnoit en 1629 fut finalement cédé au seigneur au 17eme ou 18eme siècle. Il semble qu’il provenait de la dos ecclesiae.

Un pré à Pideau avec le « tri al court » sur la rive gauche de la rivière, 3 journels.

Quelques terres aussi vers le bois de la Houssière, suite à la cession du moulin en 1411.

Le terrain sur lequel s’élevait depuis quelques années la nouvelle grange de la dîme, rue de Sorbise et dont la concession lui est confirmée en 1520-1521, un pré contigu à cette grande en 1600 et un petit jardin également contigu à la grange en 1603.

Au point de vue juridique, toutes ces acquisitions provenant soit d’antiques alleux, soit de fiefs, en firent, suivant la terminologie de l’époque, des terres héritages ou mainfermes.  Pratiquement, on ne voit pas la différence entre les anciens alleux et ces mainfermes.

Dans le temps de sa plus grande étendue, la court d’Haurut comprenait ainsi quelques 330 bonniers,  dont 33 de bois, sur Ronquières, entre la Marche (aujourd’hui Sennette) et la Samme. Elle avait même dépassé la Samme à l’extrémité de Sorbise. Ainsi dut-elle y construire un pont dont l’existence est mentionnée dès avant 1326 pour arriver aux biens de la rive droite et, en même temps, lui donner une communication directe avec Bornival et Nivelles.  Ce « pont à l’alleu » a conservé son nom qui désigne même la ferme voisine et le hameau du « pont à lalieu »

II. Dîmes.

Concurremment avec l’acquisition de ces terres et favorisée par la politique des autorités ecclésiastiques qui, à cette époque, s’emploient énergiquement à reprendre les dîmes détenues par des laïcs, Cambron s’activait pour obtenir la grosse dîme que la famille « de Ronquières » détenait en fief du duc de Brabant et qu’elle ne cédera d’ailleurs qu’avec difficultés et résistances.

Dès 1197, Helvide de Runchieres, veuve d’Eustache, et ses fils renoncèrent à réclamer la dîme sur les terres novales que l’abbaye essartera désormais.

En 1217, Henri, Vicomte de Ronchires, doit étendre l’exemption à toutes les terres novales défrichées depuis 1182 et aux terres des hospites de la dos ecclesiae. En outre, il cède la dîme sur tous les prés et une partie de la grosse dîme.

En 1221, le même Henri cède toutes les dîmes entre la Marche et la Samme (sur les terres de Cambron et autres) ainsi que sont tiers sur les 36 autres bonniers des « coutures ».

En 1229-1230 enfin, Henri, avec l’accord d’Englebert, seigneur d’Enghien, cède au prix d’une sérieuse compensation, toute la dîme qu’il détenait à Ronquières.

Entre-temps en 1227-1228, l’abbaye s’entend avec l’hôpital Saint-Nicolas de Nivelles pour le partage de la dîme des 36 bonniers, ci-dessus des terres des « coutures ». L’hôpital conservera cette dîme jusqu’à la fin.

D’autre part, par accord conclu en janvier 1256, le curé Godefroid abandonne une partie de ses menues dîmes, notamment celles des laines et agneaux, sauf la part du clerc.  On voit qu’en 1458, (Flandre I numéro  1969, bail de la cense d’Haurut), Cambron possédait toujours cette dîme. Toutefois, plus tard, elle fut rétrocédée au curé, sauf sur les terres de l’abbaye.

Lors de l’institution de la dîme, il avait été prévu que son produit servirait :

  • pour un tiers à rémunérer le pasteur ;
  • pour un tiers à entretenir l’église ;
  • pour un tiers à soulager les pauvres.

Le tiers du pasteur fut, dès l’accord de janvier 1256, transformé, par modification d’un article de la donation de 1182  en une «portion congrue » ou « compétence forfaitaire» , outre de menues dîmes et quelques revenus proprement paroissiaux.

Le montant de cette « portion congrue », fixé en 1256 à 20 livres de Hainaut, varia au cours des âges pour atteindre, à la fin de l’ancien régime, le chiffre de 747 livres et 19 sous pour curé et vicaire (Monnier tome 2 page 255 ou déclaration Pépin ou état clergé 1787).

Le tiers à affecter à l’entretien de l’église ne subsista pas non plus. Il n’en resta que l’obligation pour Cambron d’intervenir en cas de besoin. Inutile de dire que le pasteur et la communauté durent plusieurs fois faire entendre des plaintes fort vives au sujet des carences du décimateur.

Difficultés aussi à propos de la maison pastorale: vers le milieu du 17eme siècle, le curé Abraham Desmoulins dut la faire reconstruire à ses frais pour 1927 florins sauf 100 florins donnés par Cambron et 360 florins par la communauté. Un décret de Marie-Thérèse du 25 septembre 1769 imposa aux décimateurs l’obligation de fournir la cure. Et il en fut ainsi, quelques années plus tard, après procès, lorsque la cure fut reconstruite sous le curé Laurent.

On peut croire qu’il en était de même un peu partout dans les paroisses où Cambron percevait la dîme. Sinon, comment l’Abbé Pépin pourrait-il faire état de l’édification de 8 églises et 6 maisons de cure bâties depuis le décret de feue Sa Majesté l’impératrice en une dizaine d’années …et « de beaucoup age d’autres qui doivent être rebâties incessamment… » (Monnier, II page 252-254) ?

Quant au tiers des pauvres, on n’en voit plus trace, sauf, peut-être, aussi dans les quelques minces aumônes, trois aunes de drapage ou une cape de moine et trois paires de souliers distribués chaque année à Ronquières. On peut le croire, puisque les maïeurs et échevins estimaient obligatoire cette libéralité et allèrent jusqu’à introduire, en 1742, un procès devant le Conseil souverain de Hainaut. Le procès prit fin, du reste, par l’accord de Cambron (A. G. R. Not. Gén. 9771, numéro  41, 23 octobre 1743).

III. Rentes foncières ou cens

Par ailleurs, en octobre 1216, Cambron avait encore obtenu du duc de Brabant quitus de ce qu’elle devait lui payer pour son moulin (Cambron page 570).

Plutôt pour mémoire, les rentes qu’elle levait sur les hospites lotis sur la « dos ecclesiae » (Grand place et rue Haute). Ces rentes lui venaient très probablement de St Ghislain avec la donation de 1182.

En tout état de cause, on constate clairement leur existence dès 1246. Et déjà alors, on voit qu’elles étaient partagées avec le seigneur (Cambron page 583-585).

Une réelle acquisition furent les 4 livres louvignois de rente que Cambron ou des «ostes» devaient à Iwains de l’Escaille pour les tenures qu’ils occupaient à Sorbise dans un terroir fief. Cambron les achetait au prix de 15 deniers louvignois le denier de rente et obtenait en même temps la transformation de ce terroir fief en héritages censaux. Pour son achat, elle paiera de son côte un cens annuel au seigneur de l’Escaille (Cambron page 609-613).

Quelques menues rentes foncières d’origine inconnue, perçues sur des lopins de terres situés vers la Houssière, l’Aunoit, Rambise etc. II se pourrait que ces lopins aient été cédés par l’abbaye au cours des siècles (Voir Soign. t. 4 1907 ppage 205-213).

IV. A la perception de ces rentes seigneuriales

s’ajoutaient la perception du meilleur catel, lorsque mouraient les manants de Cambron, et celle d’un droit de congé (en 1723, 2 patards et un florin) lorsque les biens en cause passaient  d’une main à une autre par héritage, vente,  achat etc.  Ou lorsque se créaient ou se remboursaient des rentes hypothéquées sur eux (Cambron page 584 folio 107 Soignies, idem  page 213).

V. L’abbaye a dû exercer les droits de pêche et de chasse sur son domaine.

Toutefois, il semble bien que, dans les derniers temps, elle fut forcée de s’effacer devant les ducs d’Arenberg.

§ 2 Activité des premiers temps

Abstraction faite de quelques difficultés plus ou moins graves, notamment:

a) avec Siger I, seigneur d’Enghien, terminée par un  arbitrage en 1246, et sans doute moyennant certaines concessions de part et d’autre  (Cambron ppage 582-585);

b) avec la communauté de Ronquières, tranchée d’autorité en 1319-1320, en faveur de Cambron, par le Seigneur Wautier III  (633-635).

Cambron semble avoir exploité avec succès pendant tout un temps son domaine ronquiérois. Ses travaux de défrichement ont laissé des traces, non seulement dans les documents écrits (Cambron page 738 en 1197, page 578 en 1217, page 573-75 et 582-83 en 1218-1222), mais aussi dans plusieurs lieux-dits: « le sart des chevaux » ou  «campagne des sarts ».

Son rôle dans le défrichement de Ronquières ne doit toutefois pas être exagéré. On n’oserait pas risquer le chiffre de 100 bonniers défrichés.

Il faut ramener le rôle de défricheurs des Cisterciens à des proportions plus modestes que celles qui leur ont été longtemps attribuées. Leur action, bien conservée dans les archives, a pu paraître plus importante que celle des petites gens, qui n’a pas laissé de traces dans les documents.

Cambron disposait de nombreux convers voués aux besognes matérielles de tout genre. Pendant un certain temps, elle n’eut sans doute pas grande peine à maintenir avec succès dans sa grange d’Haurut la pratique cistercienne d’exploitation directe.

Vers 1340, il y avait là 32 chevaux. Ce n’était pas une mince affaire pour le «maître de Haurut» — généralement un convers — de diriger un si grand domaine.

§ 3 Cambron arrente ou afferme ses biens.

Mais déjà au 14eme  siècle, toutes les abbayes cisterciennes dont le zèle primitif s’était, du reste, fortement relâché ont dû renoncer à ce mode de culture qui avait fait leur renommée et leurs succès. Elles doivent maintenant morceler leurs domaines en un certain nombre de parcelles remises à des tenanciers et de venir simplement des «rentiers du sol ».

Cambron doit faire comme ses soeurs peut-être un peu plus tardivement que d’autres. Le nombre de convers avait considérablement diminué et, au surplus  ces frères donnaient de graves sujets de mécontentement. En 1331, d’après Monnier (Mons tome 14 page 87), l’abbé aurait rappelé ses convers à l’abbaye. On constate cependant encore leur présence à Haurut, à diverses dates postérieures et même en 1430, lorsque le seigneur d’Enghien prend le domaine à cens.

Quoi qu’il en soit, Cambron, à Ecaussinnes et à Feluy aussi bien qu’à Ronquières, va soit affermer ses propriétés à des censiers, soit les vendre par arrentement ou à titre définitif.

A Ronquières, c’est le dernier procédé qui est d’abord pratiqué. Les premières opérations mentionnées au 14eme  siècle, sont peu importantes et des « rognures » apparaissent plutôt comme des gracieusetés de l’abbaye:

● en 1310, 9 journels en 2 pièces, près du bois de la Houssière (Cartulaire F folio 90)

● en décembre 1314, un courtil à Sorbise (Cartulaire F folio 91)

● en novembre 1315, 80 verges tenant au pré au Mares (Cartulaire F folio 86)

● en mai 1326, 5 journels à Sorbise et un courtil à Rambise (Cartulaire F folio 96)

● en août 1391, 4 bonniers de bois vers la Houssière (Cartulaire F folio 105).

Mais à partir de 1400, le mouvement prend plus d’ampleur:

● le moulin est arrenté d’abord en 1400 à Hanin Le Viaul, dit le monsnier, qui ne réussit pas (CARTULAIRE F folio 92), puis cédé en 1411 au seigneur Pierre de Luxembourg.

● En 1412, 72 bonniers, les plus rapprochés du centre du village, sont cédés par arrentement à Estievenart Du Gaillier et Gillekart Lhoste, « parents et officiers de l’Abbé ». Là prend naissance la ferme du Quesnoit.

● Une partie de ces terrains seront cédés en 1475 ou 1486 à Jacquemart de Laluecq, qui en tirera une deuxième ferme la maison à Jacques Delalieu, ou plus tard, la « Belle Maison » à Sorbise.  En outre, vers 1533, 18 bonniers  du Quesnoit seront attribués, par héritage, à Michel Anthoine. Ils formeront avec une modeste tenure voisine, une troisième ferme, la ferme des Queuettes.

● En 1452, la maison et héritage de «Malmaison » sont arrentés à Colart Dieu, alors censier à Haurut, peut-être le frère de l’Abbé Guillaume Dieu (1464-1501). Le 5 août 1458, y sont ajoutés 31 bonniers et  1 journel à charge de construire les bâtiments de ferme nécessaires. Le 2 juin 1461, encore 6 bonniers et 3  soit en tout 38 hectares  dont 22 bonniers  sous Ronquières et 16 hectares sous Ecaussinnes. Ainsi prend naissance une quatrième ferme.

● En 1452, sont arrentés au propriétaire de la Bruyère 1 journel  de pré et un courtil à Lularmont, près de la grande mare de Chenu.

● Le 3 janvier 1459, c’est le vivier de l’Alluet de 3 journels, en partie sous Ronquières, en partie sous Feluy, qui est arrenté. Ailleurs cette cession est datée du 21juin 1463 (voir aussi Cartulaire d’Enghien, 1448).

● Enfin, le 1er mars 1514-4515, 24 bonniers  « terres des Werres» à cheval sur Ronquières et Ecaussinnes sont cédées à Jehan Anthoine, propriétaire du Quesnoit.

● Fort probablement au 15eme  siècle, 1 journel  au nord-est de l’île fut cédé à un particulier à  la fin de ce siècle. On le mentionne propriété de Michel du Pousty, propriétaire du Quesnoit.  C’était sans doute un morceau de la dos ecclesiae.

● Les autres petits biens étaient aliénés, à la fin de l’ancien régime, depuis un certain temps déjà probablement, sauf perception de menues rentes foncières.

Quant au gros du domaine (plus de 180 bonniers) à proximité d’Haurut, toujours, semble-t-il, exploité par des convers, il va être remis à bail :

● à partir de juillet 1430 « à cause des ravages des guerres de Namur » (Liégeois contre Philippe le Bon sans doute), pour 18 ans, au seigneur Pierre de Luxembourg (Flandre numéro  1969), puis

● à partir de 1448 et malgré une certaine résistance du seigneur que Cambron ne calma  qu’en concèdent pendant 12 ans la moitie des 270 livres du bail et pendant les 12  suivantes, le tiers des 280 livres du nouveau bail) à des censiers particuliers dont les premiers furent: de 1448 à 1472, Colart Dieu; de 1472 à 1481, Jehan de Hallut, à partir de 1481 et pendant 2 siècles, Jehan Anthoine dit le Hire et ses descendants.

C’est sans doute dans la deuxième moitie du 15eme siècle  qu’une partie de ce gros fut également constituée en ferme distincte, le Tombois (vers Combreuil). On en mentionnerait déjà les baux dès 1479.

Déjà depuis longtemps, semble-t-il, deux petites propriétés excentriques étaient données en location, le Try al Court et quelques terres vers la Houssière.

C’est donc grâce à l’abandon des primitives pratiques cisterciennes de culture que naîtront cinq fermes ronquiéroises, détachées de l’unique ancienne exploitation d’Haurut. Trois d’entre elles, Malmaison, Quenettes, Belle Maison resteront définitivement indépendantes. Le Quesnoit rentrera, en 1600, dans le domaine de Cambron mais, comme le Tombois, il continuera à constituer une ferme distincte, affermée à un censier particulier. Et lorsque, de 1599 à 1632 (CARTULAIRE F 130  et 78; 119 à 126) l’abbaye fera rentrer dans son domaine, sous couleur de retrait, une centaine des bonniers, moitié ronquiérois, moitié Ecaussinnois  cédés 200 ou 300 ans auparavant, cet acte n’aura d’autre effet que de permettre une meilleure répartition des terres (notamment en 1711-1712) entre les trois fermes se partageant désormais à Ronquières l’exploitation de l’ancien grand domaine.

Il faut noter cependant que le bois d’Haurut, soit 88 bonniers 1 journel 40 verges  dont 33 bonniers  sous Ronquières resta toujours sous l’exploitation directe de l’abbaye.

§ 4 Charges de la court d’Haurut.

L’exploitation de la court d’Haurut était alourdie par diverses prestations.

Les plus importantes étaient celles qu’elle devait au duc de Brabant. Elles devaient dater du duc Jean I, à la fin du 13eme  siècle (A.G.R. Office fiscal, dossier 6275) ou du commencement du  14eme siècle c’est-à-dire  de l’époque où, comme le souligne le Père de Moreau dans son Histoire de Villers page 251-258, la politique des ducs de Brabant parallèle à un mécontentement très vif des laïques contre les richesses et les privilèges ecclésiastiques, tendait à obtenir des ressources chez les communautés religieuses.

De fait, en 1306 déjà, ces impositions frappent Haurut. Malgré un accord du 24 octobre 1336 avec le duc Henri II,  en 1338, une complainte ecclésiastique au duc de Brabant exprime les récriminations des abbayes et courts en Brabant à ce sujet.

Pour la court d’Haurut, elles consistaient

1° en un paiement annuel de 6 florins d’or = 6 mailles du Rin à la vénerie de Brabant « grands chiens » (A.G.R. Comptes en rouleaux 2529 fin 141fl0 s.; Flandre 1969, bail de 1458; Ch. Cptes 47028 folio 4 vers 1440, 45104 folio 2 en 1455; 45110 folio 54”° en 1545);

2° en un droit de gîte une fois l’an au profit des autres officiers de la vénerie : braconniers, loutriers, louviers etc. (Flandre 1969);

3° en une corvée de prince,de 2 jours, d’un char à fournir au Wagenmeester (A. G. R. Comptes en rouleaux 2159 — sans doute de 1356 — étudié par M. Gorissen dans Bulletin communal  royal  Histoire tome 110 = 1945, page 1-50, Haurut, page 37);

4° le «beniaul d’Haurut» à fournir à Nivelles avec un cheval et un valet pour travaux aux remparts.

D’autres charges, peu importantes d’ailleurs, pesaient sur l’abbaye sous forme de rentes seigneuriales dues en raison de terres mainfermes acquises en dehors de l’alleu primitif:

Soit au seigneur d’Enghien :

  • un certain nombre furent annulées en 1411 en échange de la cession du moulin,
  • quelques unes sont encore mentionnées après 1411 (Cartulaire 1448 folio 63 etc.)

Soit au seigneur de l’Escaille ronquiéroise (Cambron page 611 en mai 1277, Cartulaires rentes seigneur de l’Escaille de 1641, numéro  3, 29 et 30) ou au seigneur de Familleureux.

Ces prestations étaient mises à charge du censier d’Haurut (Flandre 1969). Celui-ci, on s’en doute, ne les aimait guère, d’autant plus que quelques unes prêtaient à l’arbitraire Pour mettre fin a toutes difficultés, Cambron racheta les plus onéreuses :

elle négocia avec Nivelles et obtint, par convention du 14 juin 1591, la suppression, pour 1500 florins, du beniaul d’Haurut ;

profitant des embarras financiers du roi d’Espagne, elle racheta, en mai 1649, les six florins d’or (et en même temps une charge d’une rasière d’avoine) dus chaque année à la vénerie de Brabant (A.G.R. Ch. Cptes 663 f 1, J Leroy, Histoire  de l’aliénation des seigneuries du Brabant 1662, page 46);

Il semble bien que les impositions 2 et 3 du I ci-dessus tombèrent en désuétude aussi au 17 siècle , en même temps que d’autres prestations dues par le village à la Vénerie de Brabant ( chapitre IX page 81),

§ 5 Les deux derniers siècles

Du point de vue matériel, la court d’Haurut améliore donc quelque peu sa situation Elle réussira même en 1600 et 1610, favorisée par les circonstances, à faire rentrer dans le domaine une cinquantaine de bonniers ronquiérois, dont 47 des 72 bonniers arrentés en 1412 à Estievenart Du Gaillier (Cartulaire F 130 78 et 120). Elle traversera le siècle de malheur des désastreuses guerres de Louis XIV sans être abattue, mais non sans dommages.

Ainsi pendant les années 1673 â 1676, par exemple, d’une part l’abbaye perd ses revenus ronquiérois qui sont confisqués par les autorités espagnoles pour éviter qu’ils ne soient transférés à Cambron, territoire occupé par les ennemis français et, d’autre part, les 3 fermiers d’Haurut et Quesnoit sont estimés «pour les ruines des armées » ne pouvoir payer qu’un tiers de leurs fermages. A titre de curiosité, signalons que les biens d’Hennuyères n’ont pas souffert ces dommages. Je suppose, toutefois, qu’après la guerre, les revenus confisqués auront été restitués à l’abbaye.

Mais le destin va frapper plus haut: l’abbaye elle-même, où au surplus la situation intérieure était devenue déplorable (voir à ce propos les tristes réflexions et constatations de Monnier notamment.). Déjà l’impératrice Marie-Thérèse avait dû intervenir. Après elle, l’empereur Joseph II avait décidé de supprimer certains monastères qu’il déclarait inutiles et Cambron était l’un de ceux-là.

En 1789, l’exécution commença par la vente des meubles et du bétail. Heureusement pour l’abbaye, la révolution brabançonne éclata à point pour annuler la décision de l’empereur (Monnier 1 page 205).

Ce ne fut qu’un répit de quelques années.

Les Français font la conquête du pays. Ils vont consommer la ruine de Cambron, et d’abord :

● par des contributions de guerre. Le 23 vendémiaire an III (14 octobre 1794), une contribution de 3 millions de livres est imposée à Nivelles et Brabant Wallon. Le magistrat de Nivelles, obligé d’en fixer la répartition et d’en poursuivre la perception, taxa Cambron pour 50.000 livres (Monnier I, page 236). Pour y satisfaire l’abbaye dut vendre une soixantaine de bonniers (dont 9 journel de prés sous champage Maret) de ses terres ronquiéroises. L’adjudication définitive eut lieu, le 18 décembre 1794, chez la veuve Augustin Bouchy, cabaretière à Ronquières, par le notaire Hughes Joseph Champagne, de Rebecq, au profit de 10 particuliers du village ou des environs; elle touchait 13 parcelles d’étendue variable.

● La loi du 15 fructidor an IV = (septembre 1790) supprime les corporations religieuses sauf celles qui s’occupent de l’éducation publique et du soulagement des malades (Pasinomie tome VII page 387).

Et le domaine fut vendu le 18 fructidor an VIII (= 5 septembre 1800) (Delattre I. Vente des biens nationaux, dans le département de Jemmappes, page 108).

Dans l’ensemble, l’ancien domaine de l’abbaye de Cambron, connu pendant des siècles sous le nom de Court d’Haurut, par sa liquidation définitive à la fin du 18eme siècle, a permis la constitution à l’heure actuelle à Ronquières d’une douzaine d’exploitations agricoles particulières, dont :

● Deux  grandes fermes,  Haurut 80 hectares environ, Tombois, 66 hectares;

● Six belles fermes de plus ou moins 30 Ha: Malmaison, Quesnoit, Queuettes, Belle-Maison, Lelièvre-Rosy et Nicaise;

● Une modeste ferme de 12 Ha et 3 petites exploitations de 2 ou 3 Ha au Bois d’Haurut.