Note : La ferme du Quesnois a aujourd’hui totalement disparu. Elle fut rasée lors de la construction du plan incliné de Ronquières. Elle se situait approximativement là où se trouve de nos jours la butée aval du plan incliné.
Lorsque du village, vous vous rendez au hameau du Chenu, vous voyez s’étaler devant vous les vastes bâtiments de la ferme du Quesnois. C’est l’une des plus anciennes fermes de Ronquières et la plus belle au point de vue monumental. C’est un magnifique spécimen des fermes anciennes et en particulier de celles qui appartenaient jadis aux moines de Cambron. Elle résume l’histoire de Ronquières pendant près de mille ans. Elle faisait l’admiration de ceux qui la visitèrent. C’était une des plus intéressantes curiosités de Ronquières. Elle fut démolie pour la construction du plan incliné.
La ferme du Quesnois nous conserve le type idéal des anciennes fermes monastiques, un type admirablement bien conservé et qui nous aide à comprendre comment nos ancêtres concevaient la vie agricole.
La ferme est constituée par une vaste cour quadrangulaire, entièrement clôturée par les bâtiments de l’exploitation. Le côté regardant le midi recevait en plein les rayons du soleil. Il était occupé par la maison fermière. En 1800, lors de la vente de la ferme, les murs de cette maison couverte de paille tombaient en ruine. Elle comprenait une grande chambre au bout de laquelle il y avait deux cabinets, une grande cuisine qui accostait le fournil. Les Debrucq qui se rendaient acquéreurs de la ferme reconstruisirent l‘habitation du fermier en lui conservant les dispositions intérieures anciennes mais y ajoutèrent une maison de maitre qu’on appelle « le quartier » et qui servait d’habitation au propriétaire quand il séjournait à Ronquières.
Le côté du quadrilatère faisant face à l’habitation du fermier est entièrement occupé par une grange que les moines ont construite en 1780. Le côté droit de la cour, entre la grange d’une part est occupé par les écuries, les étables, la porcherie et les autres locaux nécessaires à l’exploitation.
Enfin le côté gauche en bordure du chemin qui va aux Ecaussinnes est occupé par un vaste bâtiment qui, au 18eme siècle servait de bergerie et qui est aujourd’hui une écurie pour chevaux. Ce bâtiment avait été construit en 1780. Il était neuf quand la ferme fut vendue en 1800. Nous verrons comment Jean-Baptiste Deflandre utilisera cette bergerie pendant 50 ans. D’abord pour en faire une distillerie, puis pour y installer une brasserie qui en essaimant à Braine-Le-Comte et ailleurs deviendra une vaste entreprise industrielle et agricole.
Les fermiers de 1604 à 1800.
Ils furent tous des descendants de Charles-Antoine qui mourut en 1604, fermier d’Haurut. Pierre Antoine, fils de Charles ouvre la liste des fermiers du Quesnois au 17eme siècle.
Jérôme Baudine qui avait épousé Jeanne Antoine fille de Pierre succède à son beau-père et cultiva la terre pendant plus de 60 ans. Il mourut à 92 ans. Charles Baudine, fils de Jérôme, prit la place de son père à qui il ne survivra que cinq ans. Pierre lui succéda. Enfin, Antoine Baudine, fils de Pierre, succéda avec son épouse Rosalie Dujacquier. Il fut le dernier fermier des cisterciens au Quesnois. Il mourut avant l’arrivée des révolutionnaires français. Sa femme Rosalie assista à la confiscation des biens et à la vente de la ferme en 1800.
La confiscation et la vente de la ferme du Quesnois
Les armées révolutionnaires françaises envahirent la Belgique en 1792. Sans tarder, ils décrétèrent la confiscation des biens des couvents et les mirent en vente. Les fermes des moines de Cambron subirent ainsi le sort en 1798- 1800. Le 18 pluviose an 6 (1792) , la ferme du Quesnois fut mise en vente et adjugée au citoyen Pierre Joseph Opitum d’Ecaussinnes d’Enghien pour 2 millions en assignats. L’adjudication ne fut jamais approuvée et la ferme fut remise en vente le 18 fructidor an VII (1800) et adjugée 26000 francs à Pierre Robyn de Paris. La propriété était de cinquante-cinq bonniers. Elle avait été vendue à raison de 465 francs le bonnier. Le fermier Antoine Baudine la cultivait avec 8 chevaux et 22 bêtes à cornes ce qui donne une importance de l’exploitation.
Le véritable acquéreur en avait été Leon du Coron de Bruxelles. En 1805, il semble l’avoir cédée à un certain Dubruc de Mons au nom de qui nous la trouvons en 1825. En 1875, elle passa à un des héritiers de Debruc, Jean-Baptiste Goffin et sa femme Rosalie Debruc qui avait hérité de son père. Cette ferme était un bien noir acquis à bon compte par les familles du Coron et Debruc. Des aménagements nécessités par l’état de délabrement d’une partie des bâtiments furent réalisés par les nouveaux propriétaires. Ils y ajoutèrent une sorte de maison de campagne qu’on appelle « Quartier » et qui était réservé aux propriétaires lors de leurs séjours à Ronquières.
Le fermier Nicolas Havaux
Le premier après le départ des Bausine fut Nicolas Havaux d’Ecaussinnes d’Enghien, qui arriva en 1806 et exploita la ferme pendant dix-huit ans.
Le fermier Jean-Baptiste Deflandre
Il entra au Quesnois en 1825 et y mourut en 1857 âgé de 74 ans. Sa femme Marie-Jeanne Lebacq avait 67 ans à la mort de son mari. Elle exploita la ferme avec ses enfants jusqu’à sa mort en 1882, soit pendant 25 ans. Les Deflandre occupèrent le Quesnois pendant 57 ans.
Jean-Baptiste Deflandre était né à Tubize en 1783, de famille tubizienne où nous trouvons des Deflandre dès le début du 18eme siècle. Après avoir habité à Tubize puis Ittre, il se fixa à Ronquières en 1825. Il est le père d’une famille nombreuse dont trois enfants moururent en bas âge.
- Jean-Baptiste, né à Tubize en 1814
- Florentine-Désirée, née à Tubize en 1816
- Charles Louis, né à Ittre en 1817
- Jean-François, né à Ittre en 1819
- Louise, née à Ittre en 1820
- Pétronille, née à Ittre en 1822
- Marie-Catherine, née à Ittre en 1824
- Charles-Louis, né à Ronquières en 1826
- Marie-Joséphine, née à Ronquières en 1827
- Sylvie Elise, née à Ronquières en 1830.
A la mort de son mari en 1857, la veuve Marie-Jeanne Lebacq restait à la ferme avec 6 enfants dont le plus jeune avait 27 ans. C’était Jean-Baptiste, 41 ans, Pétronille, 34 ans, Catherine 32 ans, Charles-Louis 30 ans, Marie Joséphine 28 ans et Sylvie Elise 27 ans.
Du vivant de son père, seul Jean-François s’était marié et placé à Braine-Le-Comte où il avait ouvert une brasserie. En 1850, il avait épousé Lucie Derideau, dont il avait eu 3 enfants. Jean-François semble avoir été favorisé par son père parce qu’il prévoyait la belle carrière qui l’attendait.
Il avait trois enfants
- Elise, née en 1851
- Anna, née en 1854
- Emile, né en 1855
Après la mort de Jean-Baptiste, trois autres enfants se marièrent. En 1862, Catherine épousa Charles Laurent de Haine Saint-Paul. En 1863, Pétronille épouse Michel Paul, le grand fermier de Haurut. Le jeune Jean-Baptiste Deflandre et son beau-frère Paul Minet semblent avoir pris en main la direction de la ferme et de la brasserie.
En 1869, Jean-Baptiste Deflandre est échevin de Ronquières et la même année, Elise donne à Paul Minet une fille appelée Camille-Elise.
Le fermier Jean- Baptiste Demoulin
C’est Jean-Baptiste Demoulin qui remplaça les Deflandre au Quesnois vers 1880. Il y entra comme fermier et non comme brasseur. Il semble que la brasserie périclitait. C’est en 1881 que Grégoire Dekeyn construisit la brasserie de Chenu et en 1882 la maison d’habitation qu’il se destinait. En 1895, il la céda à son fils Jules. Celui-ci la ferma après la guerre 1914-1918 soit vers 1920.
Jean Baptiste était de Arquennes. En 1871, il épousa Camille Elise Minet, petite-fille de Jean-Baptiste Deflandre. Ils eurent deux enfants, Joos et Irma qui se fixeront à Braine-Le-Comte.
Jean-Baptiste Demoulin eut à Ronquières trois garçons : Raymond né en 1881, Rock, né en 1884 et Henri né en 1886. Jean Baptiste fut remplacé par son fils Henri qui quitta la ferme pour se retirer à Braine-Le-Comte.
Il fut remplacé par Nestor Serlippens, beau-frère de la nouvelle propriétaire mais la ferme qui en 1800 avait 55 bonniers n’en avait plus que 30 un siècle plus tard.
La ferme Deflandre
Quand Jean-Baptiste Deflandre entra en 1825 au Quesnois, André Detournay entrait à la ferme d’Haurut d’une contenance de 54 bonniers.
Quelle était l’importance du cheptel et du matériel agricole de la cense du Quesnois ? Nous l’ignorons mais nous savons seulement qu’Antoine Baudine, à la fin du 18eme siècle avait 8 chevaux et 32 bêtes à cornes.
Heureusement, nous connaissons en détail le bétail et les instruments agricoles qu’André Detournay racheta à son prédécesseur Alexis Havaux et cela nous donne une idée de ce qu’il fallut à Jean-Baptiste Deflandre pour s’installer dans cette ferme.
Alexis Havaux remit son matériel à son successeur pour 4000 florins de Brabant soit 7260 francs. Le cheptel était composé de 12 chevaux, 11 poulains de 2 ans et moins, de 8 vaches à lait, un taureau, 6 charrues, 4 binoirs, 4 herses.
A ce moment, les enfants étaient encore en bas âge, l’ainé avait à peine 14 ans.
La Brasserie Deflandre
Quand Jean-Baptiste Deflandre entra dans la propriété du Quesnois, c’était comme fermier. Quand il mourut en 1857, c’était devenu une ferme-brasserie Deflandre. L’exploitation industrielle avait pris le dessus sur l’exploitation agricole. C’était l’exploitation de la bière.
Une fièvre industrielle secouait alors la Belgique en ce début de 19eme siècle. C’étaient des commerçants établis sur la place, là où se trouvait la boucherie de Fernand Couniot. C’était une industrie de filetiers qui faisaient filer le lin par des gens du village. Ils groupaient ces fils pour les écouler sur les marchés en gros et principalement à Valenciennes.
Nous pouvons croire que Jean-Baptiste Deflandre n’était pas étranger aux choses de la brasserie. Il est possible que déjà à Tubize et à Ittre, dans son exploitation agricole, il avait annexé une petite cuve de brasserie dans laquelle il brassait la bière de ceux qui le demandaient.
A la fin de l’ancien régime, les petits brasseurs de Ronquières avaient en même temps une exploitation agricole. A la ferme du Quesnois où il venait de s’installer, se trouvait une vaste bergerie, toute neuve reconstruite en 1780, sans emploi, parce qu’il ne faisait pas l’élevage de moutons.
Il en fit une brasserie qui, lorsqu’il mourut en 1857 était devenue la brasserie Deflandre.
La pierre tombale de Pierre Baudine
Pendant deux cent ans, la ferme du Quesnois fut appelée ainsi à cause des chênes qui l’entouraient autrefois. Elle fut exploitée par la famille Baudine, alliée de la famille Antoine de la ferme de Haurut. Les Antoine et les Baudine avaient leur sépulture dans l’église, devant l’autel Saint Michel (aujourd’hui autel Saint Géry).
La pierre tombale de Charles Antoine est encastrée dans le mur près de l’autel. Elle est datée de 1604. La pierre de Jérôme Baudine était jadis localisée dans le pavement en face de l’autel. Elle est placée aujourd’hui dans le mur de soutènement de l’église. Jérôme Baudine avait été clerc sous le pastorat d’Abraham Desmoulin (qui avait dirigé la paroisse de 1641 à 1703). Il fut aussi le maître d’école ? Cette pierre est intéressante parce que les Baudine furent , de 1604 à 1800, de père en fils, les exploitants de la ferme de Quesnois.