Ronquières au cours des siècles nous apparaît comme un centre essentiellement agricole et forestier. Son territoire comprenait une vaste étendue de prairies et de terres. On y trouvait aussi l’immense bois de la Houssière et aussi celui qui occupait septante bonniers environ du domaine de Haurut appartenant aux bénédictins puis aux cisterciens. L’industrie ronquiéroise fut donc essentiellement agricole.
L’exploitation forestière visait à la fourniture du bois de construction et de chauffage. Mais aussi du tanin dont avait besoin pour la fabrication du cuir. L’industrie agricole se concentrait principalement au moulin qu’on utilisait non seulement pour la farine mais pour l’extraction de l’huile d’éclairage et pour le broyage de l’écorce de chêne pour en retirer du tanin. Le moulin était donc une triple usine : moulin à farine, stordoir à huile et moulin à écorce.
Le moulin du franc alleu d’Haurut
Le domaine d’Haurut était habité et cultivé au 10eme siècle. Le franc alleu était limité par la Marck (actuellement la Sennette) venant d’Ecaussinnes et par la Samme venant de Feluy qui se rejoignaient au centre du village de Ronquières. Les colons, il fallait les nourrir et le moulin produisait de la farine et il était le complément de toute exploitation agricole. Le moulin n’est pas expressément nommé dans l’acte de donation de l’abbaye de Saint Ghislain mais nous le croyons inclus dans les appendices dont parle le document. Nous trouvons la preuve dans le fait que dans l’arrentement du moulin à Pierre de Luxembourg en 1411, les cisterciens se réservèrent la seigneurie sur le moulin et sur le bonnier sur lequel il est bâti.
La famille de Luxembourg ajouta donc à ce domaine ronquiérois, en 1411, un moulin à farine, un moulin à écorces et un moulin à huile. Il passa ensuite à la maison de Bourbons puis à la maison d’Arenberg avec la seigneurie d’Enghien et de Ronquières.
Les Arenberg en furent les propriétaires jusqu’en 1917. Il fut alors vendu au fermier Camille Delmeire qui en était déjà locataire. Ce sont les héritiers de celui-ci, la famille Borschaert Wargnies, qui en furent les propriétaires jusqu’à nos jours.
En 1400, le moulin était en mauvais état et nous ignorons si Hanin de Viaul y fit les réparations imposées par l’acte d’arrentement. Il est permis de penser que les Luxembourgeois y firent les travaux les plus urgents. Ce fut donc à la fin du 15eme siècle qu’on le rebâtit complètement. La tradition littéraire ne nous renseigne pas sur la date exacte de cette reconstruction. Bâti en style flamand, nous croyons qu’il est du début du 16eme siècle et qu’il est l’œuvre des ducs d’Arenberg. L’expertise faite en 1558 à l’occasion d’une fin de bail nous montre le moulin tel qu’il est aujourd’hui. Le moulin présente des caractères archéologiques des plus intéressants et mériterait d’être restauré.
La prison seigneuriale
La prison seigneuriale ne fait qu’un avec le moulin mais elle est distincte et par sa situation et par sa domination. A l’angle où le moulin proprement dit touche au pont de la retenue d’eau qui alimente le moulin se dresse une tour carrée dont la toiture avait la forme d’un cône tronqué dont le versant continue le toit du moulin et ne fait qu’un avec lui. A l’origine le toit était constitué de quatre versants. Une annexe, ajoutée tardivement, empêche d’englober, par la vue, la silhouette de la prison.
L’existence de cette prison seigneuriale est attestée dès 1489 par ce que l’on ne trouve pas un ronquiérois qui consentit à la prendre en location. Le procès-verbal d’une visite faite en 1692 par le bailli d’Enghien est intéressant pour l’histoire du moulin. La rupture des ancrages qui rattachent la tour au corps du moulin eut pour conséquence de détacher dangereusement la tour du bâtiment principal. C’est là que fut enfermée au 17eme siècle la sorcière Laurence. Dupuis pendant le procès qu’on lui avait intenté. De nos jours, ce morceau de bâtiment qui constituait la prison a disparu lors de l’élargissement de la route et du pont, voici quelques années.
La vie du moulin s’identifie avec celle des meuniers qui l’exploitèrent. Le nom des Taminiau qui est bien ronquiérois se retrouve presque continuellement du 16eme et 17eme siècle. L’existence du moulin laisse cependant quelques doutes aux temps de Bernard, propriétaire du franc alleu d’Haurut. Elle est certaine au temps des bénédictins et des cisterciens. L’acte par lequel, en 1182, les bénédictins donnèrent aux cisterciens leur prieuré le dit expressément. Il est permis de penser que les cisterciens avaient reconstruit leur moulin et leur stordoir au début du 13eme siècle et que, d’après la charte de Siger d’Enghien en 1246, le moulin, les convers cisterciens l’exploitèrent eux-mêmes. C’est ainsi qu’en 1320, nous y trouvons Wauthier de Cambrai et Frère Jean de Haspe, censier et demeurant au moulin de Ronquières.
C’est dans l’arrentement de leur moulin en 1400 que les moines le cédèrent à Hanin de Viaul dit le « monsnier » à qui ce surnom est donné à cause de son activité professionnelle.
La filature de coton a gueulo
C’est Etienne Denis qui, après la révolution de 1830, introduisit à Ronquières l’industrie cotonnière. Né en 1795, il était le fils de Marie-Joseph Fauconnier. Comme son frère mort en 1815, il était filetier, c’est-à-dire qu’il faisait filer à domicile par des fileuses la bourre de lin. Le fil ainsi obtenu, il le faisait retordre dans sa retorderie pour avoir du fil destiné, soit à tisser la toile, soit à confectionner des dentelles dont Valenciennes en était le centre.
De l’an 14 de la République Française s’était établi à Braine Le Comte Louis Desmet. Il y avait une filature avec deux moulins à filer le coton, deux écarderies dont les cylindres étaient escardés de fer, un laminoir, un déridoir, un bobinoir avec 250 grosses bobines et 400 petites. Filetier de son métier, Etienne Denis s’intéressa aussitôt à l’industrie nouvelle qui s’installait à Braine Le Comte. Il décide d’installer une filature de coton à Ronquières et de l’actionner par la force hydraulique. En 1835, il sollicita et obtint du conseil communal de Ronquières l’autorisation d’établir une filature de coton sur la Sennette à Geulo au pied du coteau que les anciens appelaient « Mont Lobiwarde » (aujourd’hui « Tienne Jaso »). On l’autorisa d’élever un barrage de trois aunes de haut, à déblayer la rivière sur une longueur de 262 aunes et d’y établir deux roues hydrauliques à « auguets ». Pierre Jamart essaya ensuite d’y fabriquer du carton mais l’affaire ne marcha pas. L’usine finit par fermer ses portes et fut transformée en petite exploitation agricole qu’occupait Arthur Jamart Pourtois et qui est devenue de nos jours une résidence campagnarde.
La distillerie de Ronquières
Le commerce de liqueurs est signalé dès le 17eme siècle. Guillaume Hardy et Antoine Thomas y faisaient le commerce de brande vin ou eau de vie. A la fin du 18eme siècle, Jacques Philippe Deprets et sa femme Catherine Brion avaient installé dans les bâtiments qui longeaient la rivière et qui ont été démolis pour le plan incliné, une brasserie de genièvre. (Cette maison a été remplacée par le restaurant abandonné le « Si Bémol »). La distillerie était installée dans les bâtiments longeant la rivière. En 1789, le grand Bailly du Brabant, en vertu des ordonnances impériales, fit mettre sous séquestre le matériel servant à la fabrication du genièvre. En 1798, Jacques Deprets donna cette maison à sa faille Gertrude. Ensuite, elle fut vendue à Rémy Cochet qui, en 1824, quand il fut nommé doyen de Chimay, le revendit au maire Alexis Havaux. A la mort de sa fille elle passa à Zoe Canart, puis à Joseph Denis et enfin à Ida Omez. Le moulin de Ronquières s’associera lui aussi à la fin du 18eme siècle. Une brasserie de genièvre qu’exploitait Nicolas Debaille et son beau-fils Dieudonné Ménard. Elle se trouvait dans un bâtiment attenant à l’étable.
Enfin, en 1825, Jean Baptiste Deflandre installa dans les locaux de la ferme du Chenoy (ancienne ferme Henri Demoulin) une distillerie qui ne prospéra pas et qu’il remplaça par une brasserie qui cessa ses activités en 1870. Ce bâtiment a aussi été démoli pour la construction du plan incliné.
L’industrie du lin à Braine Le Comte et à Ronquières
Au 18eme siècle ainsi qu’au début du 19eme siècle, l’industrie du lin était florissante à Braine Le Comte, à Ronquières et à Henripont. Il y avait de nombreuses fileuses de lin, des tisserands qui tissaient le lin. Il y avait aussi des blanchisseuses pour la toile de lin. On n’a jamais cultivé le lin à Ronquières et cependant au 18eme siècle, il y avait beaucoup de fileuses de lin. Le curé Malherbe a connu en 1905, à la ruelle des morts, une vieille fileuse qui activait encore son rouet. De 1779 à 1793, à Ronquières sur cent vingt-six mariages, nous comptons 54 fileurs ou fileuses de lin.
De 1800 à 1830, les filetiers que nous rencontrons encore en pleine activité à Ronquières témoignent d’une industrie encore bien vivante. Les deux filetiers les plus connus sont Etienne Denis qui habitait sur la Grand Place où il tenait un magasin et dont la fille épouse le notaire Laliez et Jean-Joseph Vanderelst. Son fils, Jean-Chrysostome, sera bourgmestre de Ronquières. C’est lui qui fit bâtir les écoles communales. Il détourna aussi la route de Nivelles qui passait par la chapelle du Bon Dieu de Pitié et lui donna son tracé actuel par la ferme de la Bruyère.
Le retordage du lin
Le tissage fut longtemps une industrie familiale. C’est au début du 16eme siècle qu’il en est question à Ronquières.
Parmi les condamnés pour crime d’hérésie protestante en 1568, nous trouvons le tisserand Pierre Taminiau et Georges Lisbé. En 1655, Jehan de Gipploie faisait un trafic de toile de lin et en fabriquait. Les tisserands du 18eme siècle sont connus : Nicolas Lejour qui épousa en 1750 Marie Madeleine Lemoine, Charle Bourgueille qui, la même année épousa Marie Joseph Leclercq. Dans la seconde moitié du siècle, c’est Jacques Dujacquier, Georges Loux et Joseph Dumortier. Et enfin François Landercy et son fils Laurent. Au 19eme siècle, c’est Joseph Robert en 1810, Nicolas Landercy en 1830 et Pierre Stevens en 1834. Les Landercy, François Laurent et Nicolas constituèrent la dynastie des tisserands originaires d’Ittre et qui œuvrèrent à Ronquières pendant trois quarts de siècle et dont le descendant sera secrétaire communal et clerc paroissial.
Le blanchissage de la toile.
Au début du 19eme siècle, les Poulain en possédaient une en face des fermes « marguenne » et de la petite « Baulette » dont la prairie était traversée par le ruisseau dit du « servoir ». Jean Jospeh Loux reprit la ferme du Mazy après la mort de son père Maximilien et la garde jusqu’en 1850.
C’est dans cette ferme du Mazy qui se trouve au pied du tienne à pierrettes, qu’à la fin du siècle se perpétue l’élevage du « dindon de Ronquières ».
Le stordoir ou pressoir à huile
L’huile végétale fut avec la cire ce qu’on utilisait le plus couramment pour l’éclairage. On cultivait le colza dont la graine fournissait l’huile. Pour cette utilisation, le stordoir marchait à la force hydraulique et c’est au moulin qu’on établit ce stordoir. Dès 1411, le moulin de Ronquières s’était annexé un moulin à huile. Il était encore en activité au début du 19eme siècle.
Il était constitué d’une cuve de pierre qui recueillait l’huile et d’une autre aussi en pierre qui broyait les graines.
En 1824, nous trouvons encore dans le stordoir du moulin une « huge » à colza. Nous supposons que le colza était cultivé à Braine-Le-Comte vers 1800 par le fermier Druet. Quand les moines vendirent le moulin, ils se réservèrent le droit d’utiliser sans rétribution le stordoir du moulin.
La papeterie de Pied d’Eau
Pied d’Eau et le moulin ont toujours été un endroit propice à l’établissement d’une usine hydraulique qui était déjà en activité au 14eme siècle. En 1823, un médecin d’Arquennes résolut de la remettre en activité et demande au conseil communal l’autorisation de construire une usine hydraulique au pont de Pied d’Eau.
L’ingénieur en chef du conseil des mines ayant donné un avis favorable, le conseil communal, dans sa séance du 3 mai 1829 autorisa l’établissement de cette usine. L’usine prospéra rapidement et, dès 1834, Hélin sollicita et obtint l’autorisation d’ajouter à son usine deux roues à pattes et, en 1836, d’approfondir de soixante centimètres le lit de la rivière et de capter l’eau du vivier de Pied d’Eau qui appartenait au Duc d’Arenberg.
La forge des Ypersiel
Sur la partie de terrain qui leur échut Alexis et Casimir Ypersiel reconstruisirent la forge paternelle. La forge de Chenu était définitivement fixée à côté du pont d’aise, le long de la Samme. Plus tard, les Ypersiel la vendirent à Ernest Duchamp qui la passa à son fils Léon. Elle fut ensuite exploitée par Léon Ghislain qui, plus tard, la transféra à peu près à l’endroit de celle de Pierre Goîens. Elle fut démolie au moment de la construction du plan incliné.
La chapelle cistercienne du bois d’Haurut
L’ancienne chapelle du prieuré d’Haurut était robuste et tombait en ruine. Il fallait la reconstruire parce que les moines en avaient besoin, vu les nombreux séjours qu’ils faisaient à Haurut. Les fermiers devaient les héberger et les locataires des deux rivières, leur fournir le poisson dont ils avaient besoin.
C’est le bailli de Cambron, Georges Leclercq qui présida à la reconstruction au début du 17eme siècle. Il était de Braine-Le-Comte et faisait partie du magistrat de la ville. C’est lui qui à cette époque fut chargé par l’abbé de Cambron d’offrir à Notre-Dame un calice d’argent.
La ferme d’Haurut était alors occupée par Charles Antoine et se femme Françoise Buisseret et leurs douze enfants. Ces époux furent enterrés à Ronquières au pied de l’autel Saint Géry (jadis Saint Michel). La pierre tombale encastrée dans la muraille à droite de l’autel les représentant tous les deux agenouillés au pied de la croix. Ce coin de l’église servait de sépulture à la famille Antoine, originaire de Braine-Le-Comte. La chapelle de la ferme de Haurut fut reconstruite et achevée en 1604 et la messe y fut célébrée pour la première fois le 22 février 1605 par le cellerier de Cambron. Cette chapelle fut démolie en 1983 lors de la mise en état de la maison fermière.
Le mobilier de la chapelle délivré par Georges Leclercq se composait : une chasuble de Camelot rouge avec une croix de triple velouté, corde de même, étole et manipule. Une même aube avec les parties y requises. Un drap d’autel et deux courtines de camelot cramoisi avec les franges raides garnis d’anneaux. Un plat de deux pottequins d’estaing, un tableau de Notre seigneur en croix sur toile avec cadre de bois. Un calice de pied de cuivre doré et le dessus en argent doré avec la platine et la cuiller de même ainsi qu’une custode. Deux grandes nappes d’autel de trois aunes et demie de long chacune de cinq quartiers de large. Le boursier donna deux petits frênes de pachis pour les deux chandeliers et un bénitier. Depuis près de 400 ans, la chapelle de Haurut est là. Les nervures disent à la fois qu’elle fut et ce qu’elle aurait pu devenir.
Les fermiers d’Haurut et le bailli de Cambrai à Ronquières
Les fermiers qui exploitent la ferme d’Haurut au début du 17eme siècle et les baillis qui en surveilleront l’exploitation sont originaires de Braine-Le-Comte. Charles Antoine qui occupait la ferme au début du 17eme siècle était de cette ville. Il fut remplacé par sa fille Anne Antoine qui avait épousé Guillaume Marsille. Leur fils Charles Marsille sera vicaire de Ronquières. Françoise Marsille épousa François Pierard, futur mayeur de Ronquières lequel lui succéda à la ferme d’Haurut. Les derniers fermiers furent Emile Vancutsem, Jean-Baptiste Vancutsem, qui fut bourgmestre de Ronquières et président de la fabrique d’église. Il mourut en 1985 et fut remplacé par son fils Emile qui racheta la ferme d’Haurut.