La donation aux cisterciens de Cambrai
En 1142, Saint Bernard fonda à Cambron, dans le pays d’Ath, une abbaye cistercienne qui connut bientôt la plus grande prospérité. Les convers de l’abbaye de Cambron croissaient toujours en nombre, tandis que ceux de Saint Ghislain allaient en diminuant. Ce fait incita l’abbé de Saint Ghislain à donner à l’abbaye de Cambron le prieuré de Ronquières à Haurut avec toutes ses dépendances. L’acte de donation voit dans celle-ci un gage de charité fraternelle. C’est en 1138 que les cisterciens prirent possession du domaine qui leur était ainsi donné et qu’ils conservèrent jusqu’à la Révolution Française. Comme celle des bénédictins, l’activité des cisterciens sera à la fois économique et religieuse.
Le domaine des cisterciens demeure substantiellement le même que celui des bénédictins et que le franc Allen de Bernard avec ses accroissements, des diminutions, des modifications qui soulignent sa caractéristique d’être un organisme vivant. Le domaine d’Haurut s’accrut de différentes acquisitions dont la plus intéressante fut celle de l’Allen de Condrièze ou de Combreuil, qu’ils acquirent de l’abbaye de Nivelles et aussi par différentes donations.
A partir du quinzième siècle, nous assistons à une dislocation du domaine par un certain nombre d’arrentements qui le diminuent et par des retraits qui le reconstituent en partie.
Pendant deux siècles, nous assistons à l’exploitation du domaine par les cisterciens et leurs convers qui ne cessent d’affluer chez eux. Les noms de certains d’entre eux sont parvenus jusqu’à nous. Frère Jehan Fougelette, maître de cour du Hainaut et de frère Gilles Karnier et savons aussi qu’il y avait des convers au moulin.
A partir du quinzième siècle, les cisterciens transforment leur domaine en ferme qu’ils mirent en location. C’est la raréfaction des convers qui détermine cette conversion de l’exploitation directe en exploitation indirecte. Les cisterciens ne se contentaient pas de cultiver leurs terres et de défricher les terrains incultes qu’on leur donnait mais ils exploitaient encore leur moulin, y faisaient la mouture du grain pour en retirer la farine, la mouture des graines oléagineuses pour en extraire l’huile d’éclairage et le broyage de l’écorce de chêne pour en faire du tanin.
Quant à l’exploitation forestière, elle s’exerçait sur un bois de 70 bonniers qui, jusqu’à la Révolution Française s’étendait non loin de la cour d’Haurut.
La politique des arrentements et des retraits
Ce sont les raisons économiques qui, à partir du quinzième siècle, décidèrent les cisterciens à aliéner certaines parties de leurs domaines par arrentements, c’est-à-dire, des cessions moyennant le paiement de rentes par les acquéreurs.
L’une des particularités les plus intéressantes de ces cessions consistait dans une clause de retrait qui donnait à l’arrenteur la faculté de rentrer en possession de son bien sous certaines conditions. Nous vous signalons quelques-uns des arrentements dans les pages suivantes.
Les arrentements
- En 1411, l’arrentement du moulin ;
- En 1412, l’arrentement de 72 bonniers de Quenois ;
- En 1419, l’arrentement de 92 bonniers de Lalais (Ecaussinnes) ;
- En 1452, l’arrentement de 36 bonniers de la Malmaison ;
- En 1461, l’arrentement de 36 bonniers de Helleupret à Ecaussinnes.
Les retraits
- En 1600, le retrait de 39 bonniers au Quesnois ;
- En 1628, le retrait des terres de Levais ;
- En 1668, le retrait des terres de Helleupret.
De ces arrentements, deux se sont perpétués jusqu’à nous : la ferme de la Malmaison existe toujours. Le moulin, arrenté en 1411 au Seigneur d’Enghien, restera en leur possession jusqu’en 1916. C’est alors qu’il fut aliéné et rendu par le Duc d’Arenberg.
L’affermage du domaine cistercien
L’histoire de l’affermage du domaine cistercien est intéressante parce que les fermes ainsi constituées sont restées la propriété de l’abbaye de Cambron jusqu’à la Révolution Française. Et parce qu’elles existent encore comme entités agricoles avec leurs bâtiments, leurs prés et avec la dénomination qui fut toujours la leur. Nous décrivons sommairement comme elles étaient :
- La cense d’Haurut avec 71 bonniers de terres, 23 de pâturages et 9 de boscailles, soit 99 bonniers
- La cense du Tomboy avec 32 bonniers de terres et 10 de pâturages soit 42 bonniers
- La cense du chenois avec 43 bonniers de terres et 20 de pâturages soit 63 bonniers.
Ajoutons que sur le territoire d’Ecaussinnes, il y avait les censes d’Elbois ou de Lebais et celle d’Heulepret.
Les cisterciens et l’altaria de Ronkières.
Les cisterciens succédèrent aux bénédictins comme propriétaires des « altaria », c’est-à-dire de la paroisse de Ronquières.
Ils en furent les curés primaires, désignant et choisissant ceux d’entre eux qui rempliraient les fonctions de curé et se réservant la nomination du curé. Quand cette fonction fut confiée à un prêtre séculier. Ce droit de nomination se complétait par la perception d’une partie des revenus de la paroisse et notamment d’un tiers des dîmes et d’un tiers des oblations. Mais ils avaient l’obligation d’assurer au curé une portion congrue convenable et, à la paroisse, une église suffisant aux nécessités du culte. C’est ce qui explique, qu’au 13eme siècle, ils bâtirent la belle église que nous connaissons.
La seigneurie féodale de Ronquières
Ronquières était des temps mémoriaux une « villa » agricole ou domaine faisant partie du système féodal et qui, jusqu’à la fin de la révolution française, appartint aux seigneurs d’Enghien. Le rattachement de Ronquières était personnel, le même seigneur était le souverain des deux domaines.
Définissant en 1256 son fief ronquiérois, Siger d’Enghien disait le tenir de Jean d’Audenaerde qui lui-même l’avait reçu du Duc de Brabant. Son père, Englebert, le possédait déjà en 1208 et confirme cette date à l’abbaye de Cambron dans la possession de son domaine ronquiérois.
La famille d’Enghien conserva le domaine de Ronquières jusqu’à la fin du 14eme siècle quand Jean de Luxembourg épousa Marguerite d’Enghien, héritière du domaine. La famille de Luxembourg conserva les seigneuries d’Enghien et de Ronquières jusqu’à la mort de Pierre de Luxembourg en 1482.
C’est alors que le domaine passa aux Bourbons. C’est en 1608 qu’Henri IV, roi de France, vendit son domaine de Ronquières au Duc Charles d’Arenberg qui en fut le seigneur jusqu’à la révolution française. Les biens de la famille d’Arenberg furent confisqués et réunis au domaine national. Mais en 1803, Napoléon restituait aux ducs d’Arenberg leurs biens et en particulier les terres de Ronquières. C’est au cours de la guerre mondiale en 1916, que les Arenberg vendirent ce qu’il leur restait du domaine ronquiérois et, en particulier, le moulin, le bois de la Houssière et quelques fermes.
De tout ces seigneurs, il en est un qui retiendra notre attention : Louis de Luxembourg. Parce que le 14 juillet 1446, il accorda des lettres de privilèges au serment des archers de Ronquières. Cette charte fut confisquée le 1er janvier 1494 par Philippe de Chèves, seigneur de Ravenstein et d’Enghien qui appelle Louis de Luxembourg son « Bel ayeul ». La puissante seigneurie y possédait la haute, la moyenne et la basse justice. La cour scrabiale avec sept échevins, son maire et son sergent étaient chargés d’actionner l’action judiciaire au nom du seigneur d’Enghien.
La prison seigneuriale était la marque extérieure de l’autorité souveraine du justicier seigneurial. Cette prison était une tour carrée dont la partie supérieure avait la forme d’un cône tronqué. Elle se dressait au point de jonction du moulin proprement dit et de la retenue d’eau. Cette partie a été démolie pour élargir la route. Les droits des seigneurs étaient tous similaires : droit de percevoir les cens et les rentes seigneuriales, de relief et de congé, droits de pêche et de chasse, droits de visite, des rivières des chemins. Enfin la banalité sur le moulin et le haut domaine sur les marissais. Les seigneurs d’Enghien n’eurent jamais à Ronquières de demeure seigneuriale.